• Les Prisonniers du temps

    Article du journal "Le Monde" du 28/10/13

    Rythmes scolaires: la leçon américaine

    LE MONDE | 28.10.2013 à 16h32 |Par Thibault Gajdos (CNRS)
    En 2010, on dépensait en France 6622 dollars par an et par élève du primaire, contre 8277 dollars en moyenne dans l'Union européenne.

     

    "La réforme des rythmes scolaires suscite interrogations et perplexité. Dans ce domaine, les Etats-Unis offrent un exemple qui mérite notre attention.

    En 1993 est publié un rapport intitulé « Prisoners of Time » (« Les Prisonniers du temps »), consacré à l'organisation du temps à l'école. Il eut un retentissement considérable, et contribua à faire de l'allongement du temps scolaire un point central de la modernisation de l'école américaine.

    De nombreuses expériences ont alors été menées, notamment grâce aux «charter schools». Il s'agit d'établissements publics qui mettent en oeuvre des projets pédagogiques spécifiques, formalisés par des « chartes » signées avec l'Etat. Les élèves sont généralement choisis par tirage au sort parmi tous les candidats. Cela permet une analyse précise des différents projets pédagogiques, en comparant les résultats des élèves inscrits à ceux des élèves ayant postulé, mais n'ayant pas été choisis.

    C'est la méthode qu'emploient Will Dobbie et Roland Fryer pour étudier les charter schools de New York (« Getting Beneath the Veil of Effective Schools » - « Soulevons le voile des écoles efficaces » - American Economic Journal : Applied Economics, octobre).

    Confirmant des travaux antérieurs, ces chercheurs de Harvard montrent que l'allongement du temps scolaire est particulièrement efficace lorsqu'il s'inscrit dans une stratégie globale, mettant l'accent sur la réussite et le comportement des élèves, avec un système de tutorat renforcé et un enseignement différencié en fonction des résultats des enfants.

    AMÉLIORATION IMPRESSIONNANTE

    Will Dobbie et Roland Fryer confirment ce que suggère l'intuition : une réforme du temps scolaire n'a guère de sens si elle n'est pas mise au service d'une politique scolaire ambitieuse et cohérente. Cette conviction est à l'origine de la « Expanded Learning Time Initiative » (« Initiative pour l'allongement du temps scolaire ») lancée en 2006 par l'Etat du Massachusetts.

    Le principe est simple, et les résultats spectaculaires. Les écoles qui le souhaitent élaborent, en collaboration avec les autorités locales, les enseignants, les représentants syndicaux et les parents d'élèves, un projet pédagogique détaillé. La seule contrainte est de prévoir au moins trois cents heures d'enseignement additionnel. Les projets sélectionnés reçoivent 1 300 dollars (941 euros) par élève et par an.

    Résultat : les projets réalisés sont extrêmement variés ; tous conduisent à une amélioration impressionnante des résultats scolaires des élèves, et bénéficient d'un fort soutien de la population et des enseignants.

    UNE DES ÉCOLES LES MOINS CHÈRES D'EUROPE

    Le contraste avec la réforme menée en France est saisissant. Ici, les communautés éducatives sont les objets d'une réforme uniforme imposée par une autorité administrative centralisée ; là, elles sont la force qui porte l'innovation. Ici, elles sont contraintes et se sentent menacées ; là, elles sont encouragées et investies de la confiance publique.

    Certes, les écoles françaises et américaines n'ont pas les mêmes faiblesses et n'exigent pas les mêmes remèdes. Il s'agit en France de réorganiser, et non d'allonger, le temps scolaire.

    Mais n'est-ce pas une folie d'imposer une telle réforme à toutes les écoles, sans même savoir ce qu'elles en feront ? Ne vaudrait-il pas mieux financer des projets soigneusement préparés, adaptés aux contextes locaux, et mettant la réorganisation du temps scolaire au service d'une démarche pédagogique cohérente ?

    On objectera qu'il est facile de mener une réforme lorsqu'on dispose de 1 300 dollars par an et par élève. Peut-être. Mais rappelons qu'en 2010, on dépensait en France 6 622 dollars par an et par élève du primaire, contre 8 277 dollars en moyenne dans l'Union européenne. Ajoutez 1 300 dollars par élève : nous aurions toujours l'une des écoles les moins chères de l'Union européenne."

    Thibault Gajdos

     

    Thibault Gajdos est directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique.

    Pour poursuivre la réflexion, le fameux rapport "Prisoners of Time" dont je tire mon titre et cette phrase 

    REINVENT SCHOOLS AROUND LEARNING, NOT TIME

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 15:12

    Article passionnant, merci de l'avoir partagé!

    2
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 18:12

    De rien !

    Oui, je trouve aussi, ainsi que le rapport auquel il fait référence ... (Je n'ai pas tout lu, non, non ;))

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